et LA BATAILLE de cavalerie ?

 

Partons à la recherche d’une plaine, d’une rivière et d’une colline…

 

 

Voir Carte 10

 

LE TEXTE DE CESAR

1 – Les principales caractéristiques du site sont donc connues.

2 – Il est situé à moins de 30 km de l’Alésia antique.

A la recherche du site DE LA BATAILLE DE CAVALERIE

         1 – Napoléon III relève des impossibilités qu’il ne résout pas. 

         2 – Camille Jullian réduit les distances mais de trop peu.

         3 – Léopold-Albert Constans retient deux sites comme possibles.

         4 – Jérôme Carcopino propose également deux sites sans en choisir un.

         5 - Emile Thévenot propose un site original.

         6 – Christian Goudineau trouve la bonne distance mais sans preuve.

         7 – Joël Le Gall avoue son ignorance

         8 – Michel Reddé évoque « la clef d’Alésia ».

         9 – Claude Grapin et le Muséoparc reprennent l’hypothèse de M. Goudineau

         10 – Jean-Louis Voisin enrichit enfin mais faiblement la même hypothèse.

 

 

 

On appelle « bataille de cavalerie » l’embuscade décrite par César que les cavaliers gaulois ont tendue à l’armée romaine en marche à proximité de l’Alésia antique. Cette embuscade a eu lieu avant le siège d’Alésia. L’armée romaine est en train de quitter la gaule, elle fait retraite vers la Provincia. Tous les historiens sans exception font état de cette bataille de cavalerie. Il est donc nécessaire que le site de l’Alésia antique soit à proximité immédiate de celui de ce combat. L’un ne peut s’imaginer sans l’autre.

Le Muséoparc ne fait que survoler l’épisode de la bataille de cavalerie. Cela est d’autant plus étonnant que pour les partisans du site d’Alise-Sainte-Reine, ce serait justement ce combat finalement perdu par les Gaulois qui aurait contraint Vercingétorix à s’enfermer dans Alésia.

Pour quelles graves raisons le Muséoparc ne veut-il pas creuser ce sujet et que signifie ce silence ?

 

Le texte de César

 

La description de ce combat est donnée par César et traduit ainsi par Léopold-Albert Constans : « Le lendemain, les cavaliers [gaulois] sont répartis en trois corps et deux apparaissent soudain sur nos flancs tandis que le troisième, en tète de la colonne, s’apprête à lui barrer la route. Quand César apprend la chose, il ordonne que sa cavalerie également partagée en trois courre à l’ennemi. La colonne fait halte ; on rassemble les bagages au milieu des légions. On se bat partout à la fois. S’il voyait nos cavaliers en difficulté ou en dangereuse posture sur quelque point, César faisait faire front et attaquer de ce côté-là ; cette intervention retardait la poursuite des ennemis et rendait courage aux nôtres qui se sentaient soutenus. Enfin les Germains, sur la droite, avisant une hauteur qui dominait le pays, bousculent les ennemis qui s’y trouvaient ; ils les poursuivent jusqu’à la rivière où Vercingétorix avait pris position avec son infanterie et en font un grand carnage. Voyant cela, les autres craignent d’être enveloppés et se mettent à fuir. Partout on les massacre…

Après cette déroute de toute sa cavalerie, Vercingétorix, qui avait disposé ses troupes en avant de son camp, les mit en retraite incontinent, et prit la route d’Alésia[i]… »

 

1 – Les principales caractéristiques du site sont donc connues.

Pour E. de Saint Denis « Les données topographiques fournies par le texte de César sont en effet très imprécises et indigentes : emplacements de trois camps gaulois (66,2), une hauteur, jugum, et un cours d’eau, flumen (66,5) ; c’est tout[ii]. »

Cette indigence supposée donne cependant des indications précieuses qu’il faudra bien retrouver sur tout site proposé :

-      Il est très vaste, plusieurs km², pour permettre simultanément, outre la dissimulation des 15 000[iii] cavaliers gaulois avant l’attaque, l’arrivée de la colonne romaine (dix à douze légions), la manœuvre des six corps de cavalerie (trois gaulois et trois romains) et les contre-attaques de l’infanterie romaine et de la cavalerie germaine sur les points sensibles ;

-      C’est une surface très dégagée et sans obstacles pour permettre les charges de cavalerie ;

-      Il présente sur la droite de la colonne romaine deux éléments décisifs : une hauteur d’où les Germains délogent les Gaulois et une rivière assez importante pour que d’une part les Gaulois poursuivis ne puissent échapper aux cavaliers germains et d’autre part pour que ces mêmes Germains n’aillent pas s’en prendre à l’infanterie de Vercingétorix qui est derrière le cours d’eau ;

-      Il offre enfin à l’infanterie gauloise, derrière la rivière, une place considérable qui puisse recevoir les 80 000[iv] hommes qui la composent.

 

2 – Il est situé à moins de 30 km de l’Alésia antique.

César précise qu’il arrive à Alésia « altero die[v] » c'est-à-dire « le lendemain » de ce combat.

Voir Un ou deux jours pour atteindre Alésia ?

Le site de la bataille préliminaire de cavalerie ne peut donc être éloigné de plus de 30 km de l’Alésia antique (distance parcourue en un jour par l’armée romaine) ; en réalité, surement beaucoup moins, la correction des désordres de la bataille qui a duré jusqu’à la nuit ayant dû au matin suivant réduire de plusieurs heures le temps consacré à la marche.

Il conviendrait donc que le Muséoparc présente pour ce combat un site correspondant aux indications de César : une vaste zone dégagée située à moins de 30 km d’Alise-Sainte-Reine et présentant les caractéristiques topographiques données par César.

 

 

A la recherche du site DE LA BATAILLE DE CAVALERIE

 

Les partisans d’Alise-Sainte-Reine-ont recherché où le combat de cavalerie aurait pu se dérouler. Ils ont proposé différents sites placés au gré des itinéraires variés imaginés par eux pour César.

La meilleure introduction à leur examen se trouve chez E. de Saint-Denis : « De nombreuses localisations ont été proposées tout autour d’Alésia Nous n’avons pas à discuter ce problème, irritant et insoluble, tant que des vestiges n’auront pas été exhumés par les archéologues[vi] ».

Que faut-il comprendre ? Tout d’abord, qu’il réfute toutes les localisations proposées dont il donne la longue liste (trente sites[vii]) ; ensuite, que la situation est telle qu’il n’y a aucune chance de trouver le site par une recherche méthodique ; enfin qu’il vaut mieux abandonner ces recherches en espérant une découverte de hasard. Ce découragement s’explique dès qu’on entre dans les détails.

 

1 – Napoléon III relève des impossibilités qu’il ne résout pas.

Convaincu qu’Alise-Sainte-Reine est l’Alésia antique, Napoléon III rechercha un site pour le combat de cavalerie qui en soit proche. Il n’y parvint pas parce que, précisa-t-il : « En effet, au nord et à l’est d’Alise-Sainte-Reine, à moins de deux jours de marche, le pays est tellement coupé et accidenté qu’aucune bataille de cavalerie n’y est possible[viii]. »

Le lieu qu’il choisit fut la vallée de la Vingeanne, aux environs immédiats de Prauthoy[ix], à 25 km au sud de Langres et à 85 km à l’est d’Alise. Sans même s’interroger sur les caractéristiques du site ni sur l’absence de toute archéologie, cette distance rend cette localisation impossible. Comment effectuer pareil trajet même en deux jours et au lendemain d’une bataille dont il a fallu réparer les traces avant même de pouvoir se mettre en route ?

 

2 – Camille Jullian réduit les distances mais de trop peu.

Camille Jullian fut d’abord partisan de Til-Châtel[x], à 24 km au nord de Dijon dans la vallée de la Tille. On l’appela la bataille de Dijon. Mais il inclina ensuite pour Bellefond[xi], à 7 km au nord de Dijon, dans la vallée du Suzon. On l’appela la bataille du Suzon. Dans les deux cas, nous sommes à plus de 45 km à l’est d’Alise.

Encore une fois et indépendamment de la correspondance ou non de ces propositions fluctuantes avec les caractéristiques physiques données par César, la distance est en contradiction avec les possibilités de déplacement de l’armée romaine.

 

3 – Léopold-Albert Constans retient deux sites comme possibles.

La Vingeanne lui paraissant décidément trop éloignée d’Alise-Sainte-Reine, il reprend l’hypothèse de Camille Jullian et écrit que le site se trouverait « d’après le système de M. Jullian, que nous suivons, au débouché de la route d’Alésia (Alise-Sainte-Reine) dans la plaine de Dijon, sur les collines d’Hauteville, d’Athuy et de Vantoux[xii]». Ce choix ne l’empêche pas de soutenir plus tard une autre possibilité dans une direction quasiment opposée à 180° à la première : « Il faudrait en effet chercher le champ de bataille dans la vallée de l’Armançon, au nord-ouest d’Alise[xiii]. » Sans plus de précision, comment savoir ?

 

4 – Jérôme Carcopino propose également deux sites sans en choisir un.

Pour lui, le combat pourrait s’être déroulé au nord-est d’Alise-Sainte-Reine, « soit dans le voisinage de la Coquille aux environs d’Aignay-le-Duc, soit plus près encore, dans la plaine de Baigneux-les-Juifs en bordure de la Seine qui n’est encore qu’un ruisseau -flumen- entre Baigneux et Orret[xiv]. »

Aignay-le-Duc est à 37 km d’Alise ce qui est déjà beaucoup. Orret en est à 16 à vol d’oiseau, ce qui est satisfaisant, mais la Seine n’y est qu’un cours d’eau facilement franchissable par des fantassins ou des cavaliers, et ne pouvant donc pas faire protection à Vercingétorix et son infanterie. Là encore, aucune référence n’est faite aux données de César. De plus, que Jérôme Carcopino laisse à ses lecteurs le soin de choisir en dit long sur sa propre incertitude.

 

5 - Emile Thévenot propose un site original.

Le site qu’il propose (Gigny[xv] dans l’Yonne) est situé sur un itinéraire qui ne peut être retenu par aucun historien, qu'il soit partisan ou adversaire d’Alise-Sainte-Reine (en raison, entre autres, des grandes libertés prises avec le texte de César) ; il ne comporte aucune des caractéristiques attendues ; il est situé à 27 km à l’est de Tonnerre et 43 km au nord d’Alise, distance insatisfaisante.

 

6 – Christian Goudineau trouve la bonne distance mais sans preuve.

Il propose un site situé à une distance satisfaisante d’Alise : « César prend alors la route du sud pour porter secours à la provincia. Vercingétorix marche à sa rencontre, répartit ses troupes en trois camps aux environs de Montbard et décide de lancer sa cavalerie sur l’armée en marche de César[xvi]. »

Le choix de Montbard ne s’explique que par la nécessité de trouver enfin la bonne distance, ici 17 km au nord-ouest d’Alise, c’est–à-dire ni au nord ni à l’est, zones justement condamnées par Napoléon III. Il n’est toujours fait aucune référence au texte de César : la rivière importante, la colline, l’espace disponible, la possibilité de dissimuler les 15 000 cavaliers embusqués ? Rien n’est dit, rien n’est prouvé. Christian Goudineau ne fait pas une hypothèse scientifique, il formule un espoir.

 

7 – Joël Le Gall avoue son ignorance

« Nous ignorons où eut lieu cette bataille de cavalerie. Nombre d’hypothèses ont été proposées à ce sujet, aucune ne s’impose[xvii]. »

 

8 – Michel Reddé évoque « la clef d’Alésia ».

« Cet épisode a fait couler des flots d’encre ; il encombre les rayons des bibliothèques et nourrit, encore aujourd’hui, la « querelle d’Alésia ». La plupart des érudits ont, en effet, cherché à localiser la bataille de cavalerie, dont la position semble constituer la clef permettant de comprendre où se trouve Alésia[xviii]… »

Par précaution et pour élargir le champ des recherches, M. Reddé ne tient pas compte de la durée d’étape indiquée par César, un seul jour, et préfère suivre Napoléon III, deux jours. Hormis cela il ne propose rien.

 

9 – Claude Grapin et le Muséoparc reprennent l’hypothèse de M. Goudineau

Claude Grappin écrit : «  Vers la mi-août, César prend la route du sud en passant par le pays de ses alliés Lingons, afin d’éviter les territoires contrôlés par les Eduens. Il emprunte vraisemblablement la vallée de l’Armançon proche de la limite territoriale lingonne et que suit une route importante à cette époque[xix]. »

Site internet du Muséoparc[xx] : « Après avoir refait ses forces entre la Loire et l'Yonne, il [César] a pour intention de gagner la Province romaine (sud de la Gaule) en empruntant les voies les plus sûres. L'armée du proconsul [César] est cependant attaquée sur ce trajet, probablement au nord-ouest de la ville actuelle de Montbard. »

C’est tout.

 

10 – Jean-Louis Voisin enrichit enfin mais faiblement la même hypothèse.

Il précise en effet que « L’emplacement de cette bataille de cavalerie n’est toujours pas assuré. Le site de Fains-les-Moutiers pourrait présenter quelques arguments[xxi]. » Fain-les-Moutiers est à 25 km à l’Ouest d’Alise donc à une distance satisfaisante. Mais il est présenté au conditionnel et sans qu’aucune précision ne soit donnée sur ses quelques atouts supposés.

Retenons que de toute façon pour lui « l’emplacement n’est toujours pas assuré » ni à Fains ni ailleurs.

 

 

Conclusion

 

Tous les traducteurs et commentateurs de César sont formels : le véritable site de l’Alésia antique comporte obligatoirement un emplacement propice à une embuscade massive de cavalerie. Certaines de ses caractéristiques topographiques sont connues et sa distance est au maximum de 30 km.

-      Les partisans d’Alise-Sainte-Reine partagent cette certitude ;

-      Depuis bientôt deux siècles, ils multiplient les recherches dans un pays qu’ils connaissent parfaitement, sans aucun succès;

-      Devant les impossibilités que leur oppose la topographie certains ont doublé la distance indiquée par César, toujours en vain ;

-      A ce jour, les plus récentes localisations proposées restent des espoirs jamais concrétisés. Ils sont d’ailleurs clairement présentés comme tels.

 

        L’espoir d’une nouvelle découverte archéologique permettant de résoudre cette impossibilité à l’avenir peut être tenu pour nul car ce n’est pas d’archéologie qu’il s’agit mais de topographie pour ne pas dire de géographie : il faudrait trouver, et tout proche, là même où les chercheurs passent et repassent depuis bientôt deux cents ans, un espace libre de plusieurs km² jamais vu jusqu’ici, avec une importante rivière et une colline judicieusement placées. Impossibilité totale.

Cette Alise-Sainte-Reine présentée comme étant presqu’à coup sûr l’Alésia antique est plantée dans un paysage archiconnu qui lui interdit de tenir ce rôle.

On comprend la discrétion du Muséoparc.

 

 

 

Notes ET références



[i] César, B. G., VII, 67.

[ii] Joël Le Gall, E. de Saint-Denis, R. Weil et Abbé J. Marillier, Alesia, textes antiques et médiévaux; textes originaux et traductions, Les belles lettres, 1973, p. 16.

[iii] César, B. G., VII, 64.

[iv] César, B. G., VII, 71 et VII, 77.

[v] César, B. G., VII, 67.

[vi] Joël Le Gall, E. de Saint-Denis, R. Weil et Abbé J. Marillier, op. cit., p. 16.

[vii] Joël Le Gall, E. de Saint-Denis, R. Weil et Abbé J. Marillier, op. cit, note 1, p. 44.

[viii] Napoléon III, La guerre des Gaules de César, 1866, réédition, Errance, Paris, 2001, p. 327.

[ix] Carte du champ de bataille de la Vingeanne, in Napoléon III, La Guerre des Gaules de César, réédition Errance, Paris, 2001, planche 22.

[x] Camille Jullian, Histoire de la Gaule, Hachette 1920-1926, réédition 1993, 1, note 39, p. 1122.

[xi] Camille Jullian, op. cit., 1, notes 40 et 41, p. 1122.

[xii] Léopold-Albert Constans, Guerre des Gaules, texte latin, Hachette, 1929, page 328.

[xiii] Léopold-Albert Constans, Guerre des Gaules, 1954, II, Société d’édition « Les belles lettres », Paris, II, note 3, p. 260.

[xiv] Jérôme Carcopino, Alésia et les ruses de César, Paris, 1958, p. 214.

[xv] Emile Thévenot, Les Eduens n’ont pas trahi, Bruxelles, Latomus, 1960.

[xvi] Christian Goudineau, César et la Gaule, Errance, 1990, p. 218.

[xvii] Joël Le Gall, La bataille d’Alésia, Paris, 2000, p. 12.

[xviii] Michel Reddé, Alésia, L’Archéologie face à l’Imaginaire, Hauts Lieux de l’Histoire, Errance, Paris, 2003, p. 44.

[xix] Claude Grapin, Jean-Louis Voisin, Le siège d’Alésia, in Archéologia Hors-série n° 14, avril 2012, Muséoparc Alésia, p. 80.

[xx] alesia.com

[xxi] Jean-Louis Voisin, Alésia, Un village, une bataille, un site, Editions de Bourgogne, 2012, note 8, p. 49.