A LA RECHERCHE D’ALESIA


Ou comment faire passer de véritables chercheurs

pour de simples rêveurs…

 

 

    

LES ARGUMENTS DU MUSEOPARC

EN REALITE

De nombreuses et anciennes interrogations par rapport à Alise

La 1ère hypothèse argumentée contre Alise : Alaise au XIXe siècle

La 2nde hypothèse argumentée : Chaux-des-Crotenay au XXe siècle

Les véritables enjeux de la polémique

Rapprochement avec le site de la bataille de Teutoburg en Allemagne

CONCLUSION

NOTES ET REFERENCES

  

 

  

 

LES ARGUMENTS DU MUSEOPARC

 

Il n’y a qu’une seule Alésia et elle serait à Alise-Sainte-Reine en Bourgogne. Comment expliquer alors la multiplication de sites concurrents depuis le premier, Alès, dès 1715[1] ? Claude Grapin en donne les raisons principales sur le site Internet du Muséoparc[2] :

  1. Les fouilles de Napoléon III à Alise-Sainte-Reine en Bourgogne ont été interprétées comme une manifestation supplémentaire de l’autoritarisme d’un homme parvenu au pouvoir par un coup d’état ; elles ont donc suscité une opposition de principe ;
  2. Les travaux d’Alphonse Delacroix, publiés en 1855, avant même le début des fouilles de Napoléon III, ont servi de caution plus ou moins scientifique (il était partisan d’Alaise dans le Jura) à une vive querelle entre de nombreux savants et universitaires français ;
  3. Par la suite, sont apparus d’autres sites qui participaient au folklore franchouillard de « la légende d’Alésia », parmi lesquels se sont surtout illustrés :
  •      Izernore (Savoie, 1857) ;
  •     Novalaise (Ain, 1866) ;
  •    Aluze (Saône-et-Loire, 1906) ;
  •     Salins (Jura, 1952) ;
  •   Syam-Chaux-des-Crotenay (Jura, 1962) ;
  •  Guillon (Yonne, 1984).

 

Et Claude Grapin conclut « Avec une vingtaine de prétendantes déclarées et 3 850 « Alesia » potentielles, le sujet a encore un bel avenir. »  

       D’autres chiffres sont avancés. Jean-Louis Voisin : « Une quarantaine de sites au minimum. Sans compter les Alesiae potentielles (près de 4000 !) et celles qui surgissent un été et qui disparaissent avec les feuilles, à l’automne[3]. » Michel Reddé : « On compte plusieurs dizaines de sites, régulièrement proposés à l’attention du public[4]… »

 

 

EN REALITE

 

En traitant avec pareille légèreté les raisons qui expliqueraient que la recherche d’Alésia ne cesse pas, MM. Grapin, Voisin et Reddé en négligent une, et de taille : et si le site d’Alise-Sainte-Reine présenté comme « spectaculaire » ne satisfaisait pas tous les chercheurs ? Et si nombre de chercheurs opposés à Alise-Sainte-Reine étaient non des « Bouvard et Pécuchet »[5] selon la formule de M. Reddé, mais des savants ayant tous les titres pour soutenir leur opinion ?

 

        La première identification d’Alise-Sainte-Reine avec Alésia est le fait d’un moine, Héric d’Auxerre, au IXe siècle, dans un poème où il célébra la ville qui vit le martyre de Sainte Reine en y situant la célèbre bataille. Or il écrivit 900 ans après les faits. Voilà l’origine incertaine qui est invoquée encore aujourd’hui.

 

De nombreuses interrogations

 

        Le site d’Alise a depuis longtemps suscité des interrogations sérieuses et légitimes.

        Montaigne (XVIe siècle) : « L'autre point, qui semble estre contraire et à l'usage et à la raison de la guerre, c'est que Vercingétorix, qui estoit nommé chef et general de toutes les parties des Gaules revoltées, print party de s'aller enfermer dans Alexia. Car celuy, qui commande à tout un pays ne se doit jamais engager qu'au cas de cette extrémité qu'il y alat de sa derniere place et qu'il n'y eut rien plus à espérer qu'en la deffence d'icelle; autrement il se doit tenir libre, pour avoir moyen de pourvoir en general à toutes les parties de son gouvernement[6]. » L’auteur s’interroge sur la stratégie incompréhensible de Vercingétorix par rapport à une Alésia située à Alise.

        Napoléon Ier (XIXe siècle) : « Mais est-il vrai que Vercingétorix s’était laissé enfermé dans Alésia d’une si faible étendue[7] ? »

        Paul Claudel (XXe siècle) : « J'ai été moi-même à Alésia (Alise-Sainte-Reine)… il faut que l'armée gauloise, pour s'y laisser enfermer, ait eu à sa tête un homme d'une stupidité phénoménale[8]. »

        Alexandre et Germaine Gauthier : « Tous les dictionnaires historiques d’Italie et d’Allemagne, avant le XVIIe siècle, indiquent qu’il faut chercher l’Alésia des Commentaires en Séquanie[9]. »  Or la Séquanie c’est le Jura en Franche-Comté (ancien Comté de Bourgogne), et non la Bourgogne (ancien Duché de Bourgogne) où se trouve Alise-Sainte-Reine. L'immense écrivain italien du XIVe Pétrarque place lui-même le site en Séquanie.
  

La première hypothèse argumentée contre Alise-Sainte-Reine : Alaise au XIXe siècle   

 

        La première hypothèse argumentée et documentée de localisation d’Alésia ailleurs qu’à Alise est proposée en 1855 par Alphonse Delacroix (1807-1878), architecte et archéologue, devant la société d’émulation du Doubs[10]. Il est soutenu par Auguste Castan (1833-1892), sorti major de l’école des Chartes, bibliothécaire, historien et archéologue. D’autres savants le rejoignent qui tous s’opposent à Alise-Sainte-Reine non pour des raisons politiques ou d’intérêt personnel mais devant la localisation du site, sa géographie, ou les résultats à leurs yeux plus que douteux des premières fouilles. Ils publient de nombreux ouvrages où figurent des critiques de fond qui de nos jours encore sont adressées au site bourguignon.

        Jules Quicherat (1814-1882), professeur à l’école des chartes, l’un des fondateurs de l’archéologie française : « Alise ne répond ni par son nom, ni par son site, ni par ses eaux, ni par ses escarpements, ni par ses dimensions en haut, en bas, dans tous les sens … J’ai donné vingt raisons dont une seule aurait suffi pour prouver l’erreur accréditée par les siècles. Si après cela, les personnes de bonne foi ne regardent pas la cause d’Alise comme perdue à tout jamais, c’est que, contrairement à l’axiome, aussi vrai en critique qu’en jurisprudence, ce qui abonde aura vicié[11]. »

        Ernest Desjardins (1814-1886), membre de l’Institut, spécialiste de la géographie antique : « Ne peut-on pas dire d’ailleurs de l’archéologie, avant que les preuves nous arrivent aussi nombreuses et aussi concluantes qu’elles le sont aujourd’hui dans la question d’Alésia, ce que Fontenelle disait de la théologie : cette science où il faut déjà tout savoir pour déraisonner[12] ? »

        Georges Colomb (1856-1945), naturaliste, botaniste, zoologue, d’une curiosité immense (et qu’il est difficile de limiter à l’inventeur de la bande dessinée comme le fait M. Grapin) : « Je fus autrefois partisan de l’identification Alise-Alésia. Mes premiers doutes sont nés au spectacle de l’opiniâtreté avec laquelle les partisans d’Alise s’efforçaient d’empiler arguments sur arguments pour défendre une cause que, depuis longtemps, personne ne discutait plus. Il semblerait, me disais-je, que ces gens-là ne se sentent pas sur un terrain solide, puisqu’ils passent leur temps à chercher à l’affermir[13]. »

           Victor Revillout, quant à lui, pressent que ni Alise ni Alaise ne conviennent : « César, décrivant Alésia, ne le fait point en géographe, mais en général… Il ne faut donc pas s'arrêter à la première page des Commentaires ni au premier coup d'œil jeté sur le mont Auxois pour pouvoir dire que ce terrain s'applique exactement au texte… Il faut lire et relire souvent César pour ne laisser échapper aucune de ses expressions, en en faisant l'application immédiate au terrain qu'on a parcouru. C'est en procédant de la sorte que l'on voit bientôt s'évanouir cette espèce de confiance que donne presque toujours un examen incomplet[14]. »

        Ludovic Halévy (1834-1908), académicien, écrit en 1866 à propos des fouilles sur le mont Auxois, « C’est, décidément, un auguste fiasco[15] ! »

Malgré leur force et leur justesse, ces critiques n’empêchèrent pas Alise-Sainte-Reine de s’imposer. Il y avait à cela deux raisons. La première était bien sûr le poids de l’autorité relayée à tous les échelons. Il y avait surtout l’impossibilité de mettre en face d’Alise-Sainte-Reine un site présentant des éléments convaincants. En effet, bien que les travaux initiés par Eugène Delacroix aient ramené Alésia vers le Jura, la faiblesse des moyens de recherche de l’époque lui avait laissé supposer qu’Alésia devait être à Alaise. Ce site à son tour ne résista pas à l’analyse[16].

On retiendra cependant de cette période d’une part le sérieux et la qualité des arguments s’opposant à Alise-Sainte-Reine (contrairement à ce que les partisans de ce site laissent entendre), d'autre part la mise en évidence du passage de César par le Jura.


La seconde hypothèse argumentée : Chaux des Crotenay au XXe siècle

 

        Dans la liste des six Alésia sélectionnées par M. Grapin parmi les 3 850 potentielles, le site de Chaux-des-Crotenay subit le même dédain que les 3 849 autres. Il présente cependant des caractéristiques autrement plus convaincantes que tous les autres sites. Certains, initiés par de simples rêveurs, ne font que polluer un débat déjà compliqué. D’autres, plus étayés, ne peuvent pas convaincre de par une localisation ou une géographie trop à l’encontre d’une véritable démarche scientifique.

 

La démarche intellectuelle

André Berthier (1907-2000) [17], l'inventeur du site, est issu de l’Ecole des chartes, archéologue réputé, correspondant de l’Institut, conservateur en chef des archives nationales, commandeur de l’Ordre national du mérite, commandeur de l’ordre des arts et des lettres, officier de la Légion d’Honneur. Il a mis au jour et décrit entièrement la ville antique de Tiddis en Algérie. Sa compétence ne peut faire débat.

Comme les savants du XIXème siècle, il part des multiples anomalies d’Alise-Sainte-Reine mais il les complète d’une recherche systématique de tous les éléments d’information provenant des documents anciens encore disponibles, recherche que les tenants d’Alise-Sainte-Reine avaient négligée. Il aboutit ainsi à une liste de critères qui doivent tous être présents sur un site prétendant être Alésia. Il constate qu’Alise-Sainte-Reine ne correspond pas, et de loin, à cette liste.

Alors, contrairement cette fois aux savants du XIXème siècle qui ne possédaient pas de critères aussi précis, il ne choisit pas un site qui aurait sa préférence par intuition ou toponymie : il examine patiemment sur cartes tous les sites géographiques qui présentent des caractères intéressants et rejette systématiquement tous ceux qui ne répondent pas exactement à sa liste. C’est ainsi qu’il découvre le site de Chaux-des-Crotenay le seul, après des dizaines d’examens, qui y corresponde exactement. Dès sa première reconnaissance sur le terrain et alors qu’il ne connaissait pas les lieux, il trouve quantité de traces archéologiques déterminantes.

 

Les soutiens apportés à la découverte d’André Berthier

Bien que la découverte d’André Berthier n’ait obtenu à peu près aucun succès dans les milieux archéologiques qui sont majoritairement favorables à Alise-Sainte-Reine, des soutiens de marque lui furent aussitôt apportés.

André Chamson (1900-1983), issu de l’Ecole des chartes, archiviste paléologue, membre de l’Académie française, directeur des Archives de France, obtint par son action personnelle qu’André Berthier puisse procéder à des sondages (interdits jusque-là par les dirigeants de l’Archéologie).

Pierre Grimal (1912-1996), ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure, membre de l’Ecole de Rome, membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, spécialiste mondialement reconnu de la civilisation romaine apporta un soutien précieux comme président d’honneur de l’association A.L.E.S.I.A. fondée par André Berthier pour élargir son action.

André Wartelle (1930-2001), docteur ès lettres, docteur en études grecques, maître ès arts de la Faculté libre des Lettres, diplômé de grec biblique. Bibliothécaire de l’Association des études grecques, doyen de la Faculté des lettres de l’Institut catholique de Paris, membre du Conseil d’Administration de l’Association Guillaume Budé, lauréat de l’Académie française.

André Malraux, Edmond Michelet et Jacques Duhamel tous trois ministres de la Culture (respectivement entre 1959 et 1969, 1969 et 1970, 1971 et 1973), furent convaincus de l’importance de la découverte d’André Berthier au point de lui donner ou maintenir des autorisations de sondage contre l’avis de leur propre administration. Christine Albanel, ministre de la Culture de mai 2007 à juin 2009, voulut renouveler ces autorisations : « Malgré son amitié pour Louis de Broissia, à l'origine du musée en construction sur le site d'Alise, Christine Albanel s'est engagée à financer des fouilles sur le site de Chaux, un dangereux concurrent du musée bourguignon[18]. » Le temps se prêta mal, semble-t-il, à la réalisation de ses intentions.

           Danielle Porte, maître de conférences à la Sorbonne, professeur d’histoire romaine à l’Institut d’Etudes Latines, reste l’animatrice de ce courant de pensée et de recherche. Elle est l’auteure d’ouvrages de référence sur le sujet[19].

        Citons aussi : René Potier, professeur de lettres classiques et défenseur du texte de César contre les traductions et interprétations fallacieuses[20] ; Jacques Berger, de formation classique et ingénieur des Mines, géophysicien qui répertoria l'ensemble des vestiges militaires du site de chaux-des-Crotenay[21] ; Clément Blanc, Général d’armée, qui reprit les données stratégiques de la campagne[22] ; Paul-René Machin, écrivain, historien, militaire, auteur de deux ouvrages sur le sujet [23]; Antoinette Brenet, professeur agrégée de lettres classiques[24] ; Alphonse Bouvet, ancien élève de l’ENS, agrégé de lettres ; Jean-Yves Guillaumin, agrégé de l’Université, docteur ès lettres. 

        Franck Ferrand, journaliste, historien, chevalier de l'Ordre des Arts et Lettres, défend et popularise la thèse jurassienne dans les médias[25]; Max Gallo, historien, académicien, a écrit : « Napoléon III a aussi entrepris des fouilles pour retrouver le site d’Alésia qui n’est probablement pas du tout à l’endroit officiel, mais dans le Jura[26] » ; et tout récemment encore Gérard Colin, docteur d'Etat ès lettres et chercheur au CNRS, spécialiste des civilisations antiques, dans sa biographie de César, place Alésia à Chaux-des-Crotenay[27].

 

Deux précurseurs… au XIXe siècle

         Edouard Clerc (1801-1881), historien, créateur du Musée archéologique de Besançon, écrit en 1847 au sujet de la plaine de Crotenay, supposée par André Berthier comme étant le site du combat de cavalerie préliminaire au siège d’Alésia : « Une tradition accréditée dans le Jura est que ce combat est celui de César contre Vercingétorix[28]. »

        Louis Abel Girardot (1848-1937), enseignant, géologue et archéologue jurassien, fouille en 1884 une hauteur située sur la commune de Châtelneuf, voisine de Chaux-des-Crotenay. Noté sur les cartes encore actuellement « ancien poste romain », l’endroit révéla alors la présence d’un fossé, de retranchements, de matériel militaire antique. L. A. Girardot en conclut : "Il semblerait que le passage en direction de la Suisse… ait dû être pratiqué… à l’époque de la conquête romaine et des invasions barbares. Le castellum du Châtelet de Châtelneuf se rapporterait vraisemblablement à l’une de ces deux époques[29]." 

 

L’avis positif de deux éminents latinistes

Heureusement, en plus des chercheurs hautement qualifiés cités plus haut, le XXème siècle a vu deux savants indiscutés soutenir la présence d’Alésia dans le Jura.

Félix Gaffiot (1870-1937). C’est sa connaissance approfondie du latin qui amena Félix Gaffiot à s’opposer à Alise-Sainte-Reine. Dans son dictionnaire Latin Français universellement reconnu (édition de 1934), il place en effet les Mandubiens (nom des habitants d’Alésia) en Franche-Comté et non en Bourgogne: « Mandubii, orum, m, Mandubiens (peuple de la Séquanaise, Franche-Comté actuelle) : César, B.G., VII, 68[30]. »

Jérôme Carcopino (1881-1970), un soutien paradoxal. Grand spécialiste de la Rome antique et académicien, en s’appuyant sur sa connaissance immense du latin, il reconnut comme Félix Gaffiot et pour les mêmes raisons grammaticales que l’Alésia antique était chez les Séquanes. Mais, partisan d’Alise-Sainte-Reine il imagine en 1958 qu’une peuplade des Séquanes aurait habité en Bourgogne[31]! « Une thèse impossible[32] », écrit justement cette fois Michel Reddé. Et Jérôme Carcopino écrivit même à André Berthier : « Vous n’avez pas mon assentiment mais vous emportez plus : vous avez mes doutes[33]. »

 

On voit que les plus grands noms et de nombreux chercheurs sont associés à cette recherche et qu’il n’est pas possible de la nier, ni surtout de la mettre au même plan que les nombreux autres sites peu documentés ou moins argumentés.

 

Les véritables enjeux de la polémique

 

        Les vrais enjeux ne sont pas personnels, locaux ou polémiques mais bien scientifiques : si Alise-Sainte-Reine n’est pas l’Alésia antique, les conséquences sont de la plus haute importance pour l’histoire et l’archéologie:

  1. Les stratégies de César et de Vercingétorix en -52 et la retraite des armées romaines à partir de Gergovie vers la provincia se présentent sous un tout autre jour. 
  2. Les « découvertes » d’Alise-Sainte-Reine servant de repères chronologiques à quantités de sites et d’objets gaulois, romains et germains, toute la chronologie de cette période est à revoir et à corriger.
  3. Tout site présentant des arguments en harmonie profonde avec ce que nous savons de l’Alésia antique est à préserver, inventorier, étudier et fouiller dans les règles. Ce devrait être le cas de Chaux-des-Crotenay.
  4. La question se pose, face à une telle erreur historique, de laisser tout pouvoir aux services centralisés de l’archéologie d’autoriser ou d’interdire les fouilles.
  5. Et tout simplement c’est la vérité historique qui est à rétablir.

  

 

Rapprochement avec le site de la bataille de Teutoburg en Allemagne

        Les erreurs archéologiques du XIXème siècle ne sont pas rares. Une des plus célèbres en est la localisation de la célèbre bataille de Teutoburg, sanglante défaite des trois légions romaines du général Varus devant les Germains d'Arminius à la fin du règne d'Auguste (9 après J.- C.).  Des déductions hâtives la placèrent longtemps à Osning (Rhénanie-du-Nord-Westphalie). L’empereur Guillaume 1er y fit ériger en 1875 une statue monumentale à la gloire d’Arminius et le site resta longtemps une référence nationale. Hélas il était faux. On sait maintenant que la bataille eut lieu à Kalkriese (Basse-Saxe). Aujourd'hui la statue d'Arminius est toujours à Osning mais c'est Kalkriese qui fait l'unanimité. Pourquoi les erreurs du XIXème siècle sont-elles reconnues en Allemagne et sacralisées en France ?

       

 

 

 

CONCLUSION

 

 

        La présentation faite au public du Muséoparc de la polémique sur la localisation du site de la bataille d’Alésia est biaisée. Elle mélange les sites pour lesquels une véritable recherche scientifique a été menée avec ceux nés par pure toponymie ou simple chauvinisme local. Pour Alaise, les études complémentaires ont montré que finalement le site ne pouvait être retenu. Pour Chaux-des-Crotenay, tout indique qu’il faut continuer[34].

Un faux procès est fait aux véritables chercheurs : ce n’est pas pour défendre leur chapelle qu’ils contestèrent, mais c’est d’abord pour mettre en lumière d’une part une localisation bourguignonne en contradiction avec les textes et la logique, d’autre part la faiblesse et les incohérences du dossier d’Alise.

C’est l’esprit même de la recherche qui est bafoué.

 

 

 

NOTES ET REFERENCES



[1] Louis des Ours de Mandajors, Éclaircissements sur la dispute d’Alise en Bourgogne et la ville d’Alez, capitale des Cévennes en Languedoc, au sujet de la fameuse Alésia assiégée par César, Avignon, 1715.

[2] Claude Grapin, conservateur départemental du Patrimoine de la Côte-d'Or, sur alesia.com, le site internet du Muséoparc Alésia.

[3] Voisin Jean-Louis ; Alésia, Un village, une bataille, un site, Editions de Bourgogne, 2012, p. 178 

[4] Reddé Michel, Alésia, L’Archéologie face à l’Imaginaire, Hauts Lieux de l’Histoire, Errance, Paris, 2003, p. 109.

[5] Reddé Michel, op. cit., pp. 109 et 117.

[6] Essais, II, 34, Observations sur les moyens de faire la guerre de Julius Caesar.

[7] Napoléon 1er, Précis des Guerres de César, Paris, Gosselin, 1836.

[8] Paul Claudel, Correspondances, 1951.

[9] Alexandre et Germaine Gauthier, Alésia Métropole Disparue, Le Puy-Lyon-Paris, Mappus, 1963.

[10] Delacroix Alphonse, Alésia, Mémoire devant la société d’émulation du Doubs, 1855.

[11] Quicherat Jules, L’Alésia de César rendue à la Franche-Comté. Réfutation de tous les mémoires pour Alise, Paris, 1857.

[12] Desjardins Ernest, Alésia, septième campagne de Jules César, Paris, Didier, 1859.

[13] Collomb Georges, Pour Alésia, contre Alisiia, Armand Colin, 1926.

[14] Revillout Victor, Alaise, Alise, ni l'une ni l'autre ne peut être Alesia : études critiques d'histoire et de topographie, Paris, 1856.

[15] Halévy Ludovic, Carnets, Calmann-Lévy, 1935. Cité par Danielle Porte, L’imposture Alésia, Liralésia, 2010, p. 354.

[16] Les fouilles menées en 1952 et 1954 à Alaise ont disqualifié ce site.

[17] Ouvrage de référence sur le sujet d’Alésia (en collaboration avec André Wartelle) : Alésia, Nouvelles éditions latines, Paris, 1990.

[18] Information parue dans le journal Le Point en date du 19 février 2009. 

[19] Porte Danielle, Alésia citadelle jurassienne, Editions Cabédita, 2000 ; L’imposture Alésia, Carnot 2004.

[20] Potier René, Le Génie Militaire de Vercingétorix et le Mythe Alise Alésia, Editions Volcan, 1973.

[21] Berger Jacques, Alésia Chaux-des-Crotenay, Pourquoi ?, Yvelinéditions, 2004.

[22] Blanc Clément, bulletin d’information de l’AGPM (Association Générale de Prévoyance Militaire), 1965.

[23] Machin Paul-René, Le dernier été à Alésia, Vesoul, ERTI, 1995 et A la recherche d’Alésia, suivons César, Vesoul, ERTI, 1997.

[24] Brenet Antoinette, Les Escargots de la Muluccha, Institut Vitruve, 1996.

[25] Ferrand Franck, L’Histoire Interdite, Tallandier, 2008.

[26] Le Journal du Dimanche, 08 janvier 2012.

[27]Colin Gérard, César, Editions du Félin, Paris, 2010. Voir aux pages 152, 264, 273 et 281.

[28] Clerc Edouard, La Franche-Comté à l’époque romaine, Besançon, 1847. Cité par Danielle Porte, L'imposture Alésia, Carnot, 2004, p. 55.

[29] Girardot Louis Abel, Notes sur le plateau de Châtelneuf avant le Moyen-âge, Lons-le-Saulnier, 1889.

[30] Gaffiot Félix, Dictionnaire Latin Français, Hachette, 1934, p. 944.

[31] Carcopino Jérôme, Alésia et les ruses de César, Flammarion, Paris, 1958.

[32] Reddé Michel, op. cit., page 111.

[33] Berthier Claire et Coulon Daniel, André Berthier, un homme, une œuvre, Champagnole, 2012, p. 72.

[34] Le site de Chaux-des-Crotenay présente de nombreuses caractéristiques solides (vestiges d’une métropole religieuse, armes gauloises et romaines, très bonne cohérence du site avec la stratégie, la tactique et la géographie décrites au livre VII du B. G.). Celles-ci auraient dû depuis longtemps déboucher sur des autorisations de fouilles, fouilles qui permettraient d’infirmer ou de confirmer l’hypothèse pour l’heure la plus sérieuse dans la recherche scientifique d’Alésia.